ECONOMIE

La chute des prix aux Etats-Unis n’affecte pas le pétrole algérien

Le consultant et ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, estime, dans un entretien à l’APS, que la chute historique qu’ont connue récemment les prix du pétrole à Yew York constitue une baisse conjoncturelle, sur des volumes réduits et propre au marché américain. Une chute qui ne peut pas impacter le prix du pétrole algérien.

QUESTION:Comment évaluez-vous l’évolution du marché pétrolier sur fond de l’accord de réduction de l’OPEP+ ?

ABDELMADJID ATTAR: L’annonce de réduction de 9,7 millions de barils par jour était certes historique pour l’OPEP et ses alliés, mais très en deçà du niveau atteint par la demande mondiale qui était évaluée à environ 80 millions de barils par jour, sans compter que la consommation réelle avait chuté de plus de 20 millions de barils par jour.

La demande alimente donc la consommation réelle qui ne dépasse pas les 70 millions de barils par jour, et bien sur les stocks mondiaux dont le niveau n’a pas cessé d’augmenter avec un pétrole bon marché. C’est la raison pour laquelle le G20 a tenté de conforter la baisse OPEP+ mais sans préciser le niveau d’une diminution supplémentaire par tous les producteurs au lendemain de la réunion OPEP+.

Malgré ces signaux et les tweet de Trump pour annoncer de nouvelles réductions vers 20 millions de barils par jour au moins, le baril a poursuivi sa chute pour la simple raison que la réduction approuvée ne prend effet qu’à compter du 1er Mai 2020, que la consommation mondiale poursuit sa chute, et que les stocks mondiaux ont déjà atteint un niveau proche de 90%.

Même les spéculateurs ne savent plus où le stocker, et les marchés sont complètement déstructurés. C’est ce qui a provoqué il y a deux jours la descente aux enfers du pétrole WTI à -37dollars sur le marché américain. Mais il faut quand même préciser que cette chute historique est conjoncturelle, sur des volumes réduits, propre au marché américain, et qui ne peut pas survenir pour le pétrole algérien par exemple.

Conclusion : les impacts économiques de la pandémie, inédits et exceptionnels, vont continuer à s’aggraver au cours du 2ème trimestre 2020 avec une récession mondiale annoncée de -3%. Seule une baisse importante de la production mondiale de pétrole de plus de 20 millions de barils par jour pourrait contribuer à stabiliser le baril de Brent autour de 25 $ au cours du 2 trimestre 2020.

QUESTION: Pensez-vous que l’OPEP+ est tenue de prendre des mesures supplémentaires pour enrayer la chute des prix?

ABDELMADJID ATTAR: Une chose est sure maintenant: tous les producteurs y compris les Etats-Unies, admettent que la production mondiale actuelle, qui a déjà commencé à baisser vers 90 millions de barils par jour, et sans la baisse des 9,7 MB/J qui ne prendra effet qu’à partir du 1er Mai, est encore nettement supérieure à la demande, et encore plus par rapport à la consommation réelle qui est bien en dessous des 80 millions de barils par jour.

Les capacités de stockage dans le monde vont bientôt être pleines à 100%. C’est cette situation de bourrage du marché, couplée avec un prix du baril Brent entre 20 et 25 $ qui va faire baisser la production mondiale probablement autour de 80 millions de barils par jour à compter du mois de mai 2020.

C’est une situation qui va demeurer la même jusqu’en juillet au moins, avec un prix faible qui fera chuter énormément la production des Etats-Unis et Canadienne surtout (pétrole de schiste et pétrole lourd), et dont la suite dépendra de la maîtrise ou non de la pandémie et ses impacts économiques.

D’après toutes les analyses que j’ai pu consulter, et même s’il y a une reprise économique au cours du 2ème semestre 2020, il faut prendre en considération que le monde fait face à une crise historique qui entraînera une récession pouvant atteindre -6 à -7% au cours du 2ème semestre 2020. Il y aura probablement une reprise progressive de la consommation au cours de ce 2ème semestre, mais de façon lente à cause du confinement dont on ne connait pas encore l’ampleur et la forme.

Il ne faut pas oublier que les modèles de confinement et leurs impacts déjà annoncés par la plupart des pays, prévoient une restriction importante en matière de mobilité qui consomme environ 60% de la production mondiale de pétrole, une chute de l’activité touristique d’environ 80% au cours de 2020, et par conséquent une activité économique au ralenti pour toute l’année 2020. Dans ce cas, et sauf une victoire inattendue sur le COVID-19, on ne peut espérer qu’un prix moyen du baril de Brent à 30 $ pour le 2ème semestre 2020.

QUESTION: Quelles sont, à votre avis, les mesures à prendre dans l’immédiat pour faire face à cette situation ?

ABDELMADJID ATTAR: Il est clair que sur la base des indicateurs cités ci-dessus, il ne faut pas attendre que les solutions aux impacts de cette crise proviennent de la production d’hydrocarbures ou de leur exportation aussi bien en matière de volumes que de prix qui vont demeurer bas et incontrôlables pour toute l’année 2020.

Il faut en outre signaler que la consommation mondiale de gaz naturel a été aussi légèrement affectée avec une baisse des volumes d’environ 4%, même si cela demeure moins grave que le pétrole car la consommation d’électricité ne risque pas de chuter plus que cela

Pour faire face à cette situation, il y a les mesures d’urgence pour le court terme (2020), et celles qui concernent le moyen terme en saisissant cette opportunité pour préparer et engager des réformes profondes en matière économique, politique et même social.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déjà pris des mesures de réduction et d’économie de dépenses très importantes. Il y aura certainement recours aux réserves de change, qui sont quand même d’environ 60 milliards de dollars, ne serait-ce que pour couvrir les importations nécessaires au maintien des activités de production et d’approvisionnement en produits de base (santé, alimentation, eau et énergie en priorité). Ces mesures devront aussi être adaptées en fonction de l’évolution de la pandémie et ses impacts aussi bien en interne qu’à l’international.

Mais le plus important reste encore à faire en matière d’établissement de scénarios et de procédures de mise en œuvre des actions prévues. Il ne faut pas perdre de vue qu’en face de situations urgentes, dont on ne connait pas l’évolution déjà dans le cours terme, il faut disposer immédiatement des moyens et instruments pour réagir et être capable de prendre des décisions urgentes au fur et à mesure. La pandémie actuelle et ses impacts à tous les niveaux d’organisation ou de fonctionnement, économique, politique, social, et culturel  est porteuse de leçons très importantes qui entraîneront à moyen terme de profondes réformes et un changement radical.

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